Polyvalence

La Cipale continue à accueillir des épreuves sur piste de jeunes, cadets et juniors, et sert également d'aire d'entraînement en plein air aux locataires de l'Insep (Institut national des sports) tout proche. La Cipale sait aussi se faire polyvalente, accueillant des concerts (Santana, Jean-Jacques Goldman...), du base-ball, du softball (base-ball féminin), du football américain. En attendant, dimanche, la Cipale accueillera encore des cyclistes, loin du brouhaha du Tour. Ceux qui participent aux épreuves du 7e Festival olympique de la jeunesse européenne (Foje). Une compétition pour les 14-18 ans, organisée cette année à Paris jusqu'au 1er août. Mais la piste de ciment, d'un déroulé de 500 mètres, ne servira qu'aux échauffements pour les épreuves sur route programmées autour du bois de Vincennes.

Dans cet endroit plus que centenaire, l'équipe de France de cyclisme prend l'air régulièrement à l'abri des regards. Mais ce sont surtout les clubs de vétérans qui en ont fait leur aire de jeu. L'arrivée en janvier de Joël Boissin, agent de maîtrise de la Ville de Paris, a enfin redonné un coup de jeune à la piste en ciment. «En six mois, cet homme a fait plus pour la Cipale qu'en cinquante ans», jure Christian Maras, entraîneur et retraité, qui continue d'entraîner bénévolement qui le veut bien derrière son derny (cyclomoteur). Christian, 67 ans, vient de tourner une bonne heure sur sa machine infernale, retrouvée par hasard au fond d'une remise et restaurée avec amour pour qu'elle puisse ronronner. «Il a fait Bordeaux-Paris», précise ce nostalgique des années Vel d'hiv. Près de lui sa femme, Micheline, ne le quitte pas des yeux. En 1973, le jour de l'arrivée du Tour à la Cipale, Micheline mettait pour la première fois les pieds dans un milieu qu'elle ne quittera plus. C'était l'année de Luis Ocana, qui venait de s'intercaler dans la longue domination d'Eddy Merckx.

«Jan Janssen est le premier à avoir gagné ici, raconte Maras. Au terme d'une bagarre sans merci avec Herman Van Springel lors du dernier contre-la-montre. Mais Van Springel, c'était surtout Bordeaux-Paris, qu'il a remporté sept fois.» Pour ce passionné de la piste, la Cipale incarne surtout le Grand Prix de Paris. «C'était l'époque de Daniel Morelon et d'Alex Pontet, précise celui qui fut entraîneur avec l'ancien champion. Le dimanche, il suffisait de regarder le programme, et on avait le choix entre dix courses. Aujourd'hui, il n'y en a plus que trois. Mais, dans ces dix courses, s'il y en avait une qui se terminait sur un vélodrome, c'est celle-là qu'on choisissait. C'est tellement beau d'arriver sur un vélodrome.»

Les années-Tour le chatouillent un peu. Les grands noms, il a connu bien sûr. Des années à se cacher dans les cagnas du Vel d'hiv pour pouvoir observer les Coppi, Bartali, Rivière ou Anquetil. «Les gardiens le savaient et passaient avec les chiens. Nous, on mettait du soufre pour qu'ils ne nous reniflent pas.» Des tonnes de souvenirs qui se bousculent. Il aimerait tout ressortir, là, comme un roman. Alors, cela sort par bribes. «Il y avait des drôles de gars dans les parages, dit-il. Un jour, Jean Robic s'était mis en tête de fabriquer un casque avec du caoutchouc. Fier de lui, il était allé voir Raphaël Geminiani avec sa trouvaille et pour lui prouver sa solidité il avait empoigné un marteau et s'était tapé sur le crâne. "Tu vois que c'est solide." Une minute plus tard, un filet de sang avait coulé sur sa joue.» Fataliste, il précise que le malheureux s'est tué sur la route.